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2022

Le vraiment

Publié le

Tout ça, c'est dans ma tête. Cette lueur blême. Ces silhouettes étranges. Ces sons qui résonnent.
Ces pressions sous mes bras. Ces rires. Ces hurlements. Ces conversations. Tout ça, c'est dans ma tête.
Le plastique dans la bouche. Les dents dans les gencives. Menton. Pommettes. Deux trous dans le nez.
L'air qui s'y engouffre. L'odeur de la laque. Du tabac. Dans ma tête. Mes ongles souples au bout des doigts.
Le chat. Chien. Les poils ou les cheveux. L'objet qui tombe. Comme un aimant. Le bruit sec. Le carrelage.
Le rythme des talons. Le moteur de la voiture. La portière qui claque. Tout ça, c'est dans ma tête.
L'alcool des polycopiés. Floraison des acanthes. Le sable sous mes pieds. L'eau. Toute l'eau. Les vagues.
Ce bleu. Tous ces bleus. La mer. Le ciel. L'horizon. Ce bruit. Immense. Le sel. La lumière. La chaleur.

Tout ça, c'est dans ma tête. Le jour. Le matin. Midi. Le jour. Encore. Le soir. Le noir. La nuit. Vraiment ?
Le noir. La lune. Enorme. Jaune. Orange. Vraiment ? Vous êtes sérieux ? Tout ça, c'est dans ma tête.
Les étoiles. Que d'étoiles. Des centaines. De milliers. Des milliards. Des milliards de milliards. Vraiment ?
Et des étoiles filantes. Le noir qui s'enfuit. La lumière qui se lève. L'aube qui revient. Tout ça, c'est dedans.
C'est ma tête. Le sol. Debout sur le sol. Je marche sur le sol. Sur deux jambes. L'une après l'autre. Debout.
En équilibre. Sans tomber. La vitesse. L'élan. La foulée. Aimanté. Par le sol. D'une boule. Ma planète.
Tout ça, c'est dans ma tête. Le feu. La braise. Le feu de bois. Le feu de forêt. Et la fumée. L'incendie.
La brûlure. Cendre. Charbon. L'eau qui éteint le feu. Les nuages. Et la pluie. L'eau qui tombe. Aimantée.
Qui ruisselle. Des rivières. Des fleuves. Et des mers. S'évapore. Se promène dans le ciel. Et l'orage. 
Le tonnerre. Et l'écho. Les éclairs. La foudre. Tout ça, c'est dans ma tête. La tempête. Le vent.
Les rafales. Des trombes de souffle qui déplacent les objets. Qui s'envolent. Puis retombent. Aimantés.
Les volcans. L'éruption. Et la lave. Les montagnes. Et la roche. Les cailloux. Les galets. Le gravier.
Le relief. Les vallées. Et les arbres. Combien d'arbres ? Vous êtes sérieux ? Les chênes. Les oliviers.
Tout ça, c'est dans ma tête. Des troncs. Des branches. Des feuilles. L'écorce. La sève. Le peuplier.
Le pin. Le saule pleureur. L'eucalyptus. Le cèdre et le cyprès. Le jaune des mimosas. L'oranger.
Floraisons de cerisiers. Vraiment ? Dans ma tête. La neige et le Japon. Les baleines. Les girafes.
Les boucs. Les éléphants. Le perroquet. Les plumes. L'aigle et le serpent. Vous êtes sérieux ?
L'hippopotame. L'Orang-outan. Pendu aux arbres. Le tigre. Le goéland. Tout ça c'est dans ma tête.
Les yeux. La langue. La barbe. Le front et les sourcils. L'oreille. les joues. Tout ça c'est dans ma tête.
Ma tête. Mon cou. Mes épaules et mes bras. Mon dos. Mon cul. Mes cuisses et mes mollets. Vraiment ?
Mes doigts. Mes mains. Ma peau. Mes muscles. Mon sexe. Mon sang. La cicatrisation ? Sérieux ?
Les cheveux qui poussent. Le rire. La voix. Et puis quoi ?... Le langage ? Vous êtes sérieux ?
L'érection. La masturbation. Le plaisir. L'éjaculation. L'ovulation. La fécondation. Vraiment ?
Tout ça, c'est dans ma tête. Le tissu. Le pétrole. La fenêtre. La musique. Le couteau. Le vélo.
Le yucca. Le rideau. La baignoire. L'arc-en-ciel. Les genoux. Le cheval. Le tuba. Et puis quoi ?
La poule. L'oeuf. L'enfant. L'immeuble. La laine. L'émail. L'odeur. Et le requin marteau.
Tout ça, c'est dans ma tête. J'ai tout imaginé. L'herbe et l'éventail. Le piano. Le traîneau et le vin.
Le cobra. Le désert. Les trous noirs. Le fluor et l'oursin. Le papier. L'abricot et le sperme.
Tout ça n'existe pas. Le béton et le bronze. Les sculptures antiques. Les pyramides d'Egypte.
L'Acropole et New York. La Muraille de Chine. Vraiment ? La danse et la chanson. Le théâtre.
Le velours. Le parquet. Le hublot. Le champagne. Le jazz et les méduses. Tout ça n'existe pas.
Tout ça c'est dans ma tête. La glace. La grêle. Aimantée. La surface. Le gaz. La terre. L'écume.
Le marbre et le mercure. La sueur. Le train. Le ciment. La trompette. Le lion et le tango.
Le castor. La taureau. L'autruche et l'escargot. Dans ma tête. Tout ça n'existe pas.
L'église et l'ascenseur. Le curé et le puits. La voisine et son fils. La voiture et la bière.
Mes parents et mes profs. Mes amis. Mes amants. Tout ça n'existe pas. Tout ça, c'est dans ma tête.
Je vous ai inventés. Ma soeur et la fleuriste. L'école et le lycée. Et le bâton de craie. Le loup.
Le froid. La fièvre et le sommeil. L'été. La vigne. Le raisin. Le pépin. La guitare. Le brouillard.
La pieuvre et les ampoules. Le rêve et le réveil. Le soleil. La lumière. Et les ombres portées.
La douleur. La photo. La dame qui trébuche. Le pavot. La perruche. Et la pomme d'Adam.
Tout ça c'est dans ma tête.
Et elle va exploser.


Philippe LATGER / Décembre 2022

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Rien de nous

Publié le

Cela tient en deux hémisphères.
Et c'est le seul mystère.

Peu importe Dieu.
La vie. La mort.
La réalité du temps.
Celle de l'univers.


Ce seul mystère est en nous.
Calé dans notre crâne.
Dont on ne sait rien.



Philippe LATGER / Décembre 2022

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Super-pouvoirs

Publié le

Sans que je respire, je sens le parfum,
de ceux qu'on inspire, de tout un chacun :
l'odeur de la peau, ou celle des cheveux,
du bois, des copeaux, et des troncs nerveux.
L'effluve du cuivre, et celle du chaudron.
Celle qu'on pourrait suivre, l'odeur du goudron,
du foin mordoré, du chien qui s'ébroue,
je sens la forêt, et le sucre roux.
Vient dans mes narines la senteur du vent,
de la mandarine et du dissolvant,
j'inhale des ombres, des vagues d'embruns,
de vaisseaux qui sombrent et le tabac brun.
Aux naseaux béants, entrent les fumets
de tout l'océan et des calumets,
le cuir, la fourrure, l'iode et le jasmin,
le pain, la levure, l'ail et le cumin.
Par le nez s'immiscent arômes violents,
subtils ou complices, qui vont en relents,
décrire le monde en exhalaisons,
en bouquets qui fondent aux contrepoisons.

Sans que je regarde, je vois des couleurs,
des choses hagardes entre les pâleurs,
la lumière intense, et des mouvements,
des chevaux qui dansent et le firmament.
A mes yeux qui s'ouvrent entrent des images,
celles qui se découvrent dans les paysages,
les rues de ma ville, les nuits étoilées,
des rires fébriles, des corps dévoilés.
Des formes s'impriment, imposent leurs traits,
le vivant s'exprime, du néant extrait,
en 3D furtive, reliefs et rondeurs,
dans leurs perspectives et leur profondeur.
Les arbres, les sources, les blés et les champs,
le vent dans sa course, le soleil couchant.
Les reflets se toisent, dédoublent l'objet.
Nos regards se croisent avant de plonger.
Au noir des pupilles le monde est filtré.
Des lueurs scintillent pour nous pénétrer.
Le contraste étrange des ombres et des plaies
que l'oeil ne dérange à le contempler.

Sans que je ne touche, au contact des doigts
mon corps sous la douche, le verre et le bois,
je sens aux empreintes le chaud et le froid,
la matière étreinte, ta matière à toi.
Sous mes mains ouvertes, le marbre et le fer,
les objets inertes, la brique et la terre.
La faïence lisse. Le plâtre et la soie.
Le tissu qui plisse. Le tapis chinois.
Le sable et la laine. Papiers ou carton.
Le polyéthylène. L'or et le laiton.
Outre les textures, formes et contours
donnent l'envergure des pleins et ajours,
les aspérités, et tout un génome
seront détectés au creux de nos paumes.
Caresser le monde pour le découvrir.
Le plomb et la bonde. Les mains à ouvrir.
Le bronze et la fonte. L'arbre et son écorce,
à ce plat qui monte pour saisir sa force.
Le sens du sculpteur pour les repérages
d'un corps bienfaiteur ou de ton visage.

Sans que je n'écoute, j'entends des clameurs,
la pluie qui s'égoutte, l'eau et ses humeurs,
la mer qui respire, l'orage gronder,
l'amour qui soupire d'ondes en ondées.
Le bruit se réveille peu avant l'aurore,
à mes deux oreilles le jour peut éclore,
choeurs extra-terrestres en polyphonie
le tumulte orchestre bien des harmonies.
Au chant des oiseaux, aux frissons de feuilles
d'arbres, de roseaux, que mon ouïe accueille.
A mes pavillons viennent des chansons.
Crapauds et grillons chantent à l'unisson.
Meublant le silence, de mille musiques
d'orgues et de transes, langues aphasiques.
Rien ne sait se taire, pas même la nuit.
Ronflent les mystères et râle l'ennui.
Aux tympans s'avalent symphonies entières,
en cors, en timbales, en fanfares fières.
Rythmes et phonèmes. Monde assourdissant.
Où seuls tes je t'aime sont avilissants.

Sans que je ne goûte, mes papilles sentent
le pâté en croûte, l'anis et la menthe.
Entre les babines, la langue étudie
l'oignon, l'aubergine, l'orge et le radis.
L'appétit bourlingue chez les éleveurs.
Le palais distingue toutes les saveurs.
Viandes et agrumes. Les pâtisseries.
Les fruits. Les légumes. La salive rit.
Entrent entre les lèvres bien des aromates.
Du ragoût de lièvre au jus de tomate.
Des tartes et des tourtes. La joie déglutie.
La chandelle est courte. Le lunch englouti.
Chaîne alimentaire. Soif entre les dents.
Cultive la terre. Le plaisir aidant.
La peau de la pêche. Ton sel et ton sang.
Quand ce qui se lèche est étourdissant.
Aux traînées des poudres, aux festins fougueux,
au poivre et aux foudres des baisers rugueux,
la bouche, à la crème, déploie ses agents,
mange ce qu'elle aime, l'aime en le mangeant.

 

Philippe LATGER / Décembre 2022

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Promesse tenue

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Deux marches de granito rose. Une porte épaisse en bois peinte en vert anglais. Arquée.
C'était la porte de la cuisine. Nous n'entrions jamais par l'entrée principale au bout de son allée.
Trop empesée. Les alignements parallèles de fusains taillés sous les voûtes basses de vieux palmiers
conduisaient à un perron où était abandonné un petit salon de jardin qu'il fallait contourner.
C'était dans ce secteur de la propriété où nous ne vivions pas. Où tout semblait figé.
Peuplé de fantômes. Où je ne me hasardais, seul ou avec mes cousins, que pour des expéditions,
dignes de films d'aventure, loin des adultes, dans cette partie du parc où la végétation régnait en maître.

Un eucalyptus gigantesque perforait la canopée des pins parasols, la dépassait largement,
comme il dépassait la maison, comme dans le conte du haricot magique.
Le contraste était frappant, notamment avec les plages de la piscine, de l'autre côté de la demeure,
où la lumière était aveuglante, où le ciel bleu nous dévorait aussi vrai que la réverbération nous éblouissait.
Côté rue, l'entrée se faisait dans une jungle tellement luxuriante que la lumière ne passait pas. Sombre.
Les ténèbres d'une forêt de sorcières. Seule l'allée menant au perron était ordonnée. La rectitude.
L'énorme porte ouvrait sur un vestibule. Où je n'allais que pour jouer au châtelain ou grand bourgeois.
Non. Traditionnellement, nous entrions tous dans la maison par la cuisine. La porte de la cuisine.
La raison était simple. C'est là que nous pouvions stationner les automobiles pour les décharger.
De nos bagages comme de nos provisions. Sur cette chape de ciment vieux rose.
Quand la DS de mon père se présentait devant le portail, j'étais missionné pour descendre l'ouvrir.
Je prenais mon rôle symbolique très à coeur. Et je l'ai assumé à tous les âges, de l'enfance à l'âge adulte.
La clé. Le grincement et le craquement métallique. Tellement singulier. Que je reconnaîtrais entre mille.
Les pans un peu souples à ouvrir, le premier à fixer au sol avec son verrou baïonnette, le second, en face,
que je tenais moi-même en me dressant comme un domestique au passage de la voiture. Le bonheur.
Les grandes vacances d'été. Au paradis terrestre. Aux radiations du soleil, de la Méditerranée,
et de l'énorme bête que nous venions de traverser, que je sentais vibrer à quelques kilomètres de là,
avec ce désir aussi précoce que troublant d'aller m'y perdre comme adulte, entre adultes... Barcelone.
Avant même la puberté, la volupté du monde savait sournoisement envoyer des signaux à ma peau,
à mon corps d'enfant, pour avoir très vite la sensation que des plaisirs que je n'imaginais pas encore,
pouvaient bouillir dans ma chair et mes muscles. Le soleil sur mes épaules. L'eau de la piscine.
Le paradis terrestre était d'un érotisme insolent. Et la grosse ville tout près, participait à ce mystère.
Courir pieds nus sur le ciment rose. Et plus vite encore sur les dalles de schiste brûlantes.
Libéré des chaussures et des vêtements urbains. Un mois en pagne comme Mowgli. Offert aux éléments.
Plonger dans la piscine. Plonger dans les vagues. Courir plus vite encore sur le sable de la plage.
Plus chaud encore que les dalles de schiste. La plage était large. Je lui dois mes exploits de sprinter.
Et mon corps de petit Arabe aux muscles secs. Il fallait gagner le repos au sable mouillé de l'écume.
La lumière. Eternelle. Sur l'horizon. Ouvert sur plus de 5000 ans de civilisations à chaque inspiration.
La foule. De langue espagnole. Aux corps exhibés dans l'huile solaire. L'indolence des vacances.
L'oisiveté libidineuse. Les slips de bain sur des cuisses poilues. Séduire n'était plus une politesse.
Celle d'un petit garçon bien élevé. Mais une tentation de séduire les adultes. Sans trop savoir pourquoi.
Une attirance qui, ne provoquant aucune frustration particulière, n'était pas un tourment mais une joie,
pas encore inquiète, un plaisir tranquille et satisfaisant. Quand s'éveillait bien sûr un désir de plaire.
La maison austère dans sa pinède était le refuge, où l'on se repliait pour déjeuner et faire la sieste.
De larges sangles de jute écru pour baisser les stores de bois, qui zébraient les chambres de lumière,
dans une pénombre simulant la fraîcheur, où j'étais incapable de trouver le sommeil.
Barcelone rôdait comme le tentateur. Et mes mains trouvèrent bientôt une façon de tromper l'ennui.
Les étincelles de l'eau de la piscine s'affolaient sur le plafond. Dans le vacarme assourdissant des cigales.
Tout était idéalement posé pour l'intimité amoureuse. Je le savais à l'odeur-même de la lessive des draps,
et des taies d'oreillers que je serrais contre moi. L'avenir allait être passionnant. J'en étais convaincu.
Ma vie allait être géniale.

 


Philippe LATGER / Décembre 2022

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Gibier de potence

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A 16 ou 17 ans, bien sûr, j'étais le gibier.
L'objet des prédations et des convoitises. 
Mais que croyez-vous ? Que j'étais un faon candide et égaré ?
Détrompez-vous.
Sous mes airs de gibier, c'était moi le chasseur.



Philippe LATGER / Décembre 2022

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Superstition illicite

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Tu es belle... Tes seins. Tes hanches. Tes fesses. La peau. Les proportions. Tu es vraiment magnifique.
Je pourrais t'imposer comme modèle à nos artistes. Nos poètes. Nos musiciens. Nos sculpteurs.
Tu serais une Diane troublante. Tu surpasserais Vénus elle-même. Tant tu es... parfaite.
As-tu seulement conscience de ta beauté ?... Quel âge as-tu ? Quinze ans ? Seize ans ?... Le sais-tu ?
... Tu ne réponds pas ? Tu ne veux pas me parler ?... Par effronterie n'est-ce pas ? Tu me provoques.
C'est bien. Tu as raison. Ton insolence te rend encore plus belle et désirable. Tu plairas à mes amis.
D'ailleurs... Pourquoi ne viens-tu jamais à nos banquets ? Tu sais comment ils finissent ?...
Beaucoup d'hommes pourraient te donner du plaisir. Nous les sélectionnons particulièrement bien dotés.
Il y a de très belles femmes aussi. Si tu les préfères aux hommes. Il y a tout ce qui pourrait t'intéresser.
Et même tout ce à quoi tu n'as jamais pensé. Le désir ici n'a pas de limites. Et le plaisir non plus...
Tu comprends ce que je te dis ?... Ce silence... Tes sourcils et ta bouche me disent que tu comprends.
Ta grimace ne parvient pas à t'enlaidir. Mais elle est sans équivoque. Elle dit que tu as très bien compris,
et que ce que j'évoque te révulse. Te dégoûte peut-être. Ce n'est pas que tu ne sois pas intéressée.
Après tout, ça arrive. Mais non. Ce n'est pas ça. C'est pire que ça. Tu nous juges... Tu me juges.
C'est ça ?... Nos orgies te choquent ? Elles heurtent ta morale ? Ce que nous faisons est... mal ?
Qui es-tu pour nous juger, petite impertinente, te penses-tu meilleure que nous ? Efface cette grimace.
Détends tes traits. Je ne te demande pas de sourire. Juste d'effacer cet air méprisant. Tout de suite.
... Pourquoi tiens-tu à me manifester ton antipathie ? Est-ce une aversion... pour ma personne ?...
Mon nom ? Ma famille ?... Pour cette maison ?... Claudia me dit que tu es vierge. Mais d'où viens-tu ?...
N'es-tu pas heureuse à Rome ?... Vierge... Un instant... Tu ne serais pas une de ces... chrétiennes ?
Réponds... C'est ça ?... Ce sont nos dieux que tu juges ? C'est pour le tien que tu me résistes ?
Pour me prouver que ton dieu est plus puissant que les miens ? Et que tu n'as peur de rien ni de personne ?
C'est la démonstration que tu veux faire ? Que tu vaux mieux que moi ?... 
Tu viendras ce soir au banquet. Que tu le veuilles ou non. C'est un ordre. Tu m'entends ?...
Ne détourne pas ton regard. Regarde-moi. Nous verrons si tu resteras fière. Et si tu garderas le silence.
Je pense, avec ce que nous te ferons, que nous aurons le plaisir d'entendre au moins le son de ta voix.
Demain matin, tu ne seras plus vierge. Tu pourras être la femme d'un seul dieu si ça te chante.
Tu ne seras jamais plus la femme d'un seul homme.

 


Philippe LATGER / Décembre 2022

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A vous de jouer

Publié le

Nous éviterons des erreurs de jugement et même des fautes,
si nous cessons de considérer la nature comme notre environnement.
J'insiste sur ce point qui n'est pas qu'une question de sémantique ou de terminologie.
Philosophiquement, intellectuellement, politiquement, socialement, écologiquement... à tout point de vue,
il est essentiel de rappeler la dimension animale de l'être humain qui fait partie de la biodiversité.
Que nous nous considérions comme prédateurs est une chose, quand nous le sommes sans doute, capables,
bien que de physionomies modestes et limitées, de nous dresser au sommet de la chaîne alimentaire.
Mais que nous nous séparions mentalement de la biosphère est une catastrophe.

Et au moins, le statut de prédateur nous maintient-il dans les règles du monde animal.
L'être humain peut sans doute construire des stations spatiales et faire des selfies en slip sur instagram,
il n'en reste pas moins un mammifère, un vertébré, bipède, un primate, de la famille des hominidés.
Que nous ayons une conscience, et par conséquent le sens d'une responsabilité, qui nous honore,
n'empêche pas ce fait : nous faisons partie du vivant de cette planète, de la nature et du monde animal,
lorsque nous obéissons, inconsciemment la plupart du temps, individuellement et collectivement,
souvent à la barbe de la culture, et même lorsque nous tentons de nous en émanciper,
aux seules lois de la nature.

Homo sapiens n'est pas une race. C'est une espèce du genre humain.
Ainsi la " race humaine " n'existe pas. Nous sommes une espèce.
Et nos villes, notre habitat, quel qu'en soit le degré d'évolution technique, reste l'équivalent
de l'habitat d'autres espèces, d'autres animaux, au même titre que les fourmilières des fourmis,
qui, à leur échelle, n'ont aucun scrupule à transformer l'existant pour y faire fonctionner leur société.
Comment peut-on sérieusement être à la fois écologiste et misanthrope ?
Sinon en oubliant que l'Homme est un animal, une créature de mère nature, parmi d'autres.
Cessons de nous extraire du monde. Acceptons-le comme notre milieu et notre élément.
C'est une humilité qui nous permettra de progresser dans la compréhension de notre condition,
et de nos responsabilités, comme dans le respect du vivant, et de nous-mêmes.
L'écologie politique peut être philanthrope. Et miser sur notre intelligence pour régler les problèmes.
C'est ce que nous avions mis quelques milliers d'années à installer et conceptualisé comme le progrès.
Nous savons d'expérience qu'en résolvant un problème nous en créons de nouveaux.
Nous vérifions cela dans nos vies individuelles comme dans l'Histoire de l'Humanité.
Cela ne nous a jamais empêché de continuer à batailler pour résoudre des problèmes.
La vie d'un homme se limite à peu près à ça : nous passons notre temps à régler des problèmes.
Nous en avons. Tant mieux. C'est signe que nous sommes vivants, et, mieux que ça,
toujours conscients et responsables.
Le problème n'est pas l'être humain. Le problème est que nous renoncions à l'être.
Nous avons des problèmes, nous allons les régler. En créer de nouveaux, que nous réglerons.
Il en faut un peu pour chaque génération, n'est-ce pas ?

Aux petits jeunes qui pensent que nous leur laissons un monde tout pourri,
je peux rappeler la liste de tous les problèmes que nous avons réglés avant qu'ils ne viennent au monde.
Il y en a de nouveaux, certes, mais je crains que ce ne soit leur tour désormais de s'en charger.
Et nous verrons bien le monde qu'ils laisseront à leurs propres enfants...
Qui seront prompts, avec la même ingratitude, à leur reprocher le monde pourri dont ils hériteront.
C'est le jeu classique du conflit des générations. Avec l'arrogance (utile) d'une jeunesse impitoyable.
Arrogance utile si elle est le moteur d'une énergie de construction, de transformation, et donc, de progrès.
Se construire contre ses parents reste se construire. Cela reste donc construire.
On peut ainsi déconstruire si c'est pour reconstruire ensuite. C'est un système d'évolution.
Mais le mouvement misanthrope qui consiste à la fois à nous sortir de l'Histoire, c'est à dire de la filiation,
et de la biodiversité - c'est à dire de l'appartenance au monde naturel et au vivant - est un phénomène
inquiétant dans la mesure où il développe la tentation du suicide et donc, du renoncement.
Oui, nous vous laissons des problèmes, comme nos parents avant nous. Mais ne soyez pas injustes.
Car oui, nous avons aussi réglé des problèmes en notre temps, comme nos parents avant nous.
Sauf qu'encore une fois, en solutionnant un problème, on en crée mécaniquement dix nouveaux.
Si nous vous avons désarmés, ré-armez-vous. Si l'on essaie de vous désarmer, révoltez-vous.
Résistez. Imposez-vous. Mais ne renoncez pas. C'est à votre tour d'exister et de construire.
Si l'on vous a ôté la fierté d'être ce que nous sommes, ce que vous êtes, reconquérez-la.
L'Humanité a été certes capable du pire, je serai de ceux qui vous rappellerai, de toutes me forces,
à quel point elle a aussi été capable du meilleur. Que vous puissiez vous aimer un peu vous-mêmes.
Que vous puissiez comprendre que dans ce monde, vous n'êtes pas le problème mais la solution.
En tant qu'animaux doués d'intelligence qui reste humblement la capacité à comprendre les choses.
Nous n'avons rien compris ? Ok. Alors, allez-y. On vous écoute. A vous de jouer.


Philippe LATGER / Décembre 2022

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Les moutons malades

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Dans l'ire, l'écriture.
Le désespoir changé en force.
Pour faire la paix. Refaire l'amour.
Et la part belle.


Philippe LATGER / Décembre 2022

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L'été tombeau

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Dans l'obscurité de la chambre à l'étage, le jeune homme vint s'asseoir tristement au bord du lit.
Le coeur lourd. Déchiré en fait. Ses forces étaient concentrées sur une seule chose. Ne pas pleurer.
A 23 ans, il aurait dû être avec ses amis à la plage, à quelques encâblures de là, à rire et à rêver,
à courir et chanter, à jouer à aimer. Avec les gens de son âge.
Mais sur le périmètre de la parcelle. Du jardin. De la maison. De la chambre.
Le temps s'était arrêté. L'été s'était figé pour devenir un tombeau. Le ciel leur était tombé sur la tête.
Le volet était rabattu pour laisser la lumière et la chaleur dehors. Le plus loin possible.
L'ombre n'était plus là pour la sensualité des choses, le contraste voluptueux permettant les siestes.

C'était celle de la mort. Emportant le crépi et la chaux blanche dans un monde entre deux mondes.
Il fallait qu'il règle des choses avec elle. Il savait qu'il devait lui parler. Tant qu'il en était encore temps.
Allongé sur le côté, au bord du lit, il lui prit la main. Elle était sur le dos, la tête calée dans les oreillers.
Comment pouvait-elle ne pas comprendre son propre fils ? Comment cela était-il possible ?
Il prit le temps de lui expliquer. Son appétit pour la vie. Pour les gens. Pour les choses.
Grâce à elle. Grâce à ses parents. Il avait cet appétit. Cette curiosité. La conscience d'être en vie.
Grâce à elle. Il avait la conscience du privilège. De la chance d'être là. De l'urgence d'en profiter.
Grâce à elle. Il aimait la vie et la dévorait à pleines dents. Il aimait les gens. Il aimait séduire.
Comment sa propre mère pouvait-elle ne pas comprendre ? Ne l'avait-elle pas vu grandir ?
Prendre plaisir à sourire à tout le monde. Apprenant vite à obtenir des choses en souriant.
Apprenant vite à séduire les adultes. Hommes et femmes. Comment ne l'avait-elle pas compris ?
Il cherchait ses mots. Prenait le temps de les choisir pour ne pas la heurter. Pour ne pas la blesser.
Il n'était pas en rupture avec ses parents. N'était pas en rupture avec elle. Il aimait ses parents.
Etait reconnaissant pour leur amour et leur éducation. N'avait que des merci dans la bouche.
Pour les valeurs transmises. Qu'il faisait siennes. Qu'il respectait comme héritage familial.
Qu'il endossait intellectuellement et moralement avec son propre libre arbitre et raisonnement.
Des valeurs qu'il faisait siennes à double titre. Et qu'il comptait bien transmettre à son tour.
D'une manière ou d'une autre. Il fallait la rassurer. Il ne rejetait pas ses parents. Ni leur modèle.
Il était plein de ce qu'ils lui avaient inculqué. Et pour la transmission, quelle que soit sa vie amoureuse,
quels que soient les moyens, il transmettrait l'héritage. Moral et culturel. Les valeurs de sa famille.
L'histoire de sa famille. Et. Après avoir tourné autour du pot. Il se décida à aborder la question.
Il sentit qu'il fallait aller au but. Qu'il lui devait ça. Pour qu'elle puisse partir en paix.
Il concéda qu'il n'excluait pas de faire des enfants.
Quelque chose répondit dans la main de sa mère qu'il serrait dans la sienne.
A cette idée, quelque chose avait réagi. Le sang. La chair. Avaient réagi à cette perspective.
Il fallait qu'il explique. Combien il était artiste. Rêveur. Plein d'imagination.
Comment était-ce possible ? Avait-elle oublié l'enfant qu'il avait été ? Musicien, clown et poète ?
Qui faisait des spectacles sans cesse ? Qui jouait avec les mots et le piano ? Qui inventait des histoires ?
Qui faisait du cirque et du cinéma ? Qui aimait danser et chanter ? Qui aimait faire du théâtre ?
Il dut lui rappeler l'homme qu'il était. L'enfant qu'il avait été. Avec son imagination et sa fantaisie.
Sa poésie et son intelligence. Sa séduction et son appétit de vivre. D'aimer et d'être aimé. A cause d'elle.
Grâce à elle. Qui l'admirait et l'encourageait en l'admirant. Le petit prince de la maison. Le petit soleil.
Elle ne le comprenait plus. Voulait savoir avant de mourir, quel homme il s'apprêtait à devenir.
Il dut expliquer. Trouver les mots pour expliquer. L'artiste qu'il voulait devenir. Le musicien. Le poète.
Avec la fantaisie mais aussi la responsabilité. La force et le courage. L'honnêteté et la sincérité.
Il fallait être schizophrène. Sur ses deux jambes. Rêveur et réaliste. Abstrait et concret. Artiste et rationnel.
Artiste et responsable. Il pouvait être tout ça à la fois. Avec le caractère et les valeurs morales espérées.
Son rapport au réel était plus complexe que celui de sa mère. Mais il en avait un. Solidement construit.
Intuitivement. Spirituellement. Mais aussi scientifiquement. Intellectuellement.
Sans lui en faire la promesse formelle, il le lui laissa entendre. Lorsque c'était le vrai sujet.
L'homme qu'il deviendrait serait assez sérieux et responsable pour avoir des enfants.
Elle serait fier de lui.


Philippe LATGER / Décembre 2022

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Vieux et con

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Tu me fais la gueule ?
- Bien sûr que oui.
- Ah... Et donc ?... tu ne veux pas me parler ?
- ...
- Voilà, c'est ça. Tu ne veux plus me parler. Tu boudes.
- T'es qu'un vieux con. C'est tout.

- ... Je peux faire quelque chose pour que ça s'arrange ? ...
- ...
- Vieux et con, j'en conviens, ça ne s'arrangera pas, d'accord, mais voyons ... Tu veux des excuses ?...
- J'en veux pas de tes excuses, ça ne marche plus.
T'es juste un vieux con, jaloux comme une teigne. Pourquoi tu ne reconnais pas que tu es jaloux ?
- Je ne suis pas jaloux. C'est toi qui es une chieuse. Je ne t'ai pas fait une scène, je t'ai envoyé chier.
Fin de l'histoire. Là, c'est toi qui boudes... Pour ma part, c'est ok, on passe à autre chose, tu sais bien,
je peux être susceptible, très susceptible même, c'est vrai... mais je ne suis pas rancunier.
- Je savais que tu allais dire ça. Tu dis toujours ça.
- Tu fais tes caprices et, de temps en temps, ça arrive, il m'arrive de perdre patience. Désolé. Rien de grave.
- Tu es violent. Tu es méchant.
- Parfois. Oui. Et parfois, il t'arrive de préférer que je le sois. Mais je suis aussi doux et gentil.
- Oui, je sais, tu es gentil si on est gentil avec toi. Et je ne suis pas gentil avec toi.
- Ben, en l'occurrence, je me défonçais pour essayer de t'aider, et je me suis un peu retrouvé tout seul.
- Je t'ai rien demandé.
- ... D'accord. Tu ne m'as rien demandé.
- Et je n'ai rien fait de mal.
- C'est vrai. Tu n'as rien fait de mal. C'est moi qui ai mal réagi.
- Et je n'appartiens à personne.
- Bravo.
- ...
- Personne n'appartient à personne.
- Ta gueule.
- Ok.
- ...
- ...
- Tu pourras me garder le chat une semaine ?

 


Philippe LATGER / Décembre 2022

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